Le contrôle de la durée du travail au moyen de la géolocalisation n’est pas justifié si un autre moyen de vérification est possible ou si les salariés disposent de liberté dans l’organisation de leur travail.
Un employeur met en place un dispositif permettant d’enregistrer par géolocalisation toutes les 10 secondes la localisation de ses salariés distributeurs de journaux et prospectus au moyen d’un boîtier mobile qu’ils portent sur eux, afin de contrôler leur temps de travail.
Un syndicat réclame en justice l’interdiction de sa mise en place et de son exploitation en soutenant qu’un tel dispositif de géolocalisation est illicite. Il fait valoir notamment que d’autres modes de contrôle sont possibles, comme une pointeuse mobile, un système autodéclaratif ou le contrôle par un responsable. La cour d’appel de Lyon admet pourtant la licéité de la géolocalisation, jugeant les alternatives proposés inadaptées et le système mis en place proportionné au but recherché en ce que les salariés activent eux-mêmes le boîtier de géolocalisation et seulement pendant leurs tournées de distribution (CA Lyon 13-1-2017 n° 16/0519 : RJS 4/17 n° 269).
La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt destiné à être publié au bulletin de ses chambres civiles, censure cet arrêt, reprochant aux juges du fond de ne pas avoir caractérisé que le système de géolocalisation mis en œuvre par l’employeur était le seul moyen de contrôler la durée de travail de ces salariés. En effet, rappelle-t-elle dans un attendu de principe, la géolocalisation ne peut être utilisée comme instrument de contrôle du temps de travail qu’à défaut d’autre moyen possible, même moins efficace, tels des documents déclaratifs du salarié, comme l’a précisé le Conseil d’Etat (CE 15-12-2017 n° 403776 : RJS 3/18 n°158).
En outre, la mise en œuvre d’un tel dispositif ne peut en aucun cas être justifiée si le salarié dispose de liberté dans l’organisation de son travail (Cass. soc. 3-11-2011 n° 10-18.036 FS-PBRI : RJS 1/12 n° 4 ; 17-12-2014 n° 13-23.645 F-D : RJS 3/15 n° 171). Un tel système de contrôle constitue en effet une intrusion excessive dans la vie privée, au respect de laquelle a droit le salarié, même au temps et au lieu de son travail. La légitimité de l’utilisation de la géolocalisation aux fins de contrôle du temps de travail des salariés ne devrait être admise que dans des cas exceptionnels.
A noter : en tout état de cause, préalablement à la mise en place d’un tel dispositif, l’employeur doit consulter le comité social et économique ou le comité d’entreprise et informer les salariés de l’existence et de la finalité de ce dispositif de géolocalisation. Dans le cadre du RGPD, le système de géolocalisation doit être inscrit au registre des activités de traitement tenu par l’employeur.