Le décret sur l’activité partielle publié hier permet aux salariés au forfait annuel de bénéficier de ce dispositif. Toutefois, il ne s’agit pas d’une solution miracle, rappelle Marie-Hélène Bensadoun, avocate du cabinet August Debouzy.
Lorsque l’entreprise décide de réduire son activité, peut-elle mettre en activité partielle ses salariés en forfait annuel en jours ou en heures ? Cette question revient régulièrement chez les clients des avocats spécialistes en droit du travail.
« Les entreprises se posent souvent la question d’intégrer ou non leurs cadres au forfait dans le dispositif de chômage partiel qu’ils mettent en place pour le reste du personnel« .
Marie-Hélène Bensadoun, avocate associée du cabinet August Debouzy
Jusqu’à aujourd’hui, les entreprises ne pouvaient en principe mettre ces salariés en activité partielle que si l’établissement était totalement fermé (ancien article R.5122-8 du code du travail). Cela était impossible lors d’une simple réduction d’activité, par exemple lorsque l’entreprise ferme un jour ou deux par semaine.
Or, le décret sur l’activité partielle publié hier change la donne.
Possible, mais en dernier recours
Ce décret modifie l’article R. 5122-19 du code du travail. Alors que ce texte ne prenait en compte que les « jours de fermeture de l’établissement » pour ouvrir le droit au chômage partiel pour les salariés au forfait, le décret étend le dispositif aux « jours de réduction de l’horaire de travail pratiquée dans l’établissement ». Il précise que le nombre d’heures pouvant justifier de l’attribution de l’allocation d’activité partielle est pris en compte « à due proportion » de la réduction horaire pratiquée dans l’établissement.
Cette extension du dispositif pour les salariés en forfait annuel avait été annoncée par la ministre du travail. Marie-Hélène Bensadoun conseillait déjà à ses clients, ces dernières semaines, de ne pas exclure ces salariés du dispositif. Elle estime toutefois que le vrai sujet sur lequel les entreprises doivent porter leur réflexion se trouve ailleurs.
« Le probleme est souvent la décision de recourir à l’activité partielle. Je conseille donc aux entreprises de vérifier que l’activité à laquelle sont rattachés les salariés au forfait entre bien dans le champ du dispositif. Ces salariés sont souvent des cadres qui peuvent plus facilement travailler depuis leur domicile. Et si tel est le cas, c’est le télétravail qu’il convient de privilégier.«
L’activité partielle ne doit être qu’un dernier recours pour les employeurs.
Attention à la charge de travail
Même exercant depuis leur domicile, les salariés au forfait conservent une spécificité qu’il faut garder à l’esprit : leur autonomie dans la gestion de leur temps de travail. Cette liberté peut devenir un piège pour ceux qui, du jour au lendemain, se retrouvent en télétravail forcé toute la semaine.
« Je constate une mobilisation extrêmement forte des salariés qui travaillent depuis chez eux, souligne Marie-Hélène Bensadoun. Ils ont souvent du mal à décrocher de leur travail en fin de journée, ils sont rivés sur leur ordinateur. Mais il ne faut pas perdre de vue que la loi impose des temps de repos.«
Cette période de travail confiné peut être propice au rappel de quelques règles sur le droit à la déconnexion. Même en télétravail, le salarié doit respecter les durées maximales de travail de 10 heures par jour et 48 heures par semaine, ainsi que les temps de repos minimum consécutif de 11 heures par jour et 24 heures par semaine.
« Je recommande à mes clients de rester attentifs quant à la charge de travail des salariés au forfait, de vérifier qu’ils respectent les temps de pause et les temps de repos quotidiens. Ce n’est pas parce qu’on est en période de crise, que l’on doit oublier de se reposer.«
Laurie Mahé Desportes