Source : Bodet Software
D’un point de vue légal, une journée de travail comporte des périodes de travail effectif et un temps de repos obligatoire. La réglementation française à ce sujet est simple et claire. Mais en pratique, la gestion des temps de pause n’est pas toujours facile pour les managers et les chefs d’équipe. Il s’agit en effet d’un vrai sujet de management et ils doivent jongler entre application du droit et une certaine souplesse. Alors quelles sont les règles de la pause en entreprise : durée, rémunération ? D’un point de vue pratique, quels outils mettre en œuvre pour gérer efficacement les pauses au travail ?
Pause café, pause cigarette, pause déjeuner…. Ces temps de repos rythment la journée de travail et permettent au salarié de se détendre et de restaurer.
Mais la gestion de ces temps de pause est parfois floue pour l’entreprise. Les pauses sont-elles obligatoires ? Pour quelle durée ? Comment éviter les abus des salariés ?
Un temps de pause obligatoire
Définition de la pause en entreprise
La pause est un « arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité » (Cass. Soc. du 12 octobre 2004, n°03-44084).
Pendant son temps de travail effectif, le salarié est en effet à la disposition de son employeur et doit se conformer à ses directives. Le temps de pause lui permet d’interrompre brièvement son travail et de vaquer librement à ses occupations personnelles : téléphoner, manger, fumer, boire un café…
Durée de la pause obligatoire
Le salarié doit bénéficier d’une pause d’au moins 20 minutes consécutives dès que son temps de travail quotidien atteint 6 heures (art.L3121-16), continues ou non (Cass. soc. 20-2-2013 n°11-28.612). Pensez à consulter votre convention collective, vos accords d’entreprise, d’établissement ou de branche. Ils peuvent en effet prévoir un temps de pause supérieur (art. L3121-17).
Le droit à la pause nait à partir de 6 heures de travail effectif mais cela n’empêche pas le salarié de prendre sa pause avant d’avoir atteint ces 6 heures. Par exemple : un salarié travaille 7 heures dans la journée. Il peut tout à fait prendre sa pause après 3 heures de travail.
De plus, il n’est pas possible de fractionner ce temps de pause. Le Code du travail indique expressément une durée de 20 minutes consécutives. Si le salarié prend 10 minutes le matin et 10 minutes l’après-midi, les conditions ne sont pas respectées et vous engagez votre responsabilité d’employeur.
En cas de litige, il reviendra à l’employeur de prouver que le collaborateur a bien bénéficié de sa pause de 20 minutes après 6 heures de travail. (Cass. soc. 20-2-2013 n° 11-21.599)
Spécificités pour les mineurs : les travailleurs de moins de 18 ans sont soumis à une réglementation plus protectrice. Ainsi, ils bénéficient d’un temps de pause d’au moins 30 minutes consécutives après une période de travail continue de 4h30.
Déjeuner, cigarette…quelles pauses ?
PAUSE DÉJEUNER
Le droit du travail ne prévoit aucune pause déjeuner spécifique. Par conséquent, elle s’insère dans ce temps de pause quotidien obligatoire de 20 minutes.
En pratique, l’employeur prévoit souvent une pause repas plus longue : 1h, 1h30…
Comme toujours, pensez à vérifier vos textes conventionnels, ils prévoient parfois des durées ou des modalités particulières pour les pauses déjeuner.
PAUSE CIGARETTE
Il est interdit de fumer sur les lieux de travail fermés. Pour les fumeurs, la pause cigarette est donc un passage obligé de la journée de travail.
Comme pour la pause déjeuner, la pause cigarette en tant que telle n’existe pas. Le salarié peut donc utiliser son temps de pause de 20 minutes quotidien pour fumer dans le local dédié ou à l’extérieur de l’entreprise.
Comme nous le verrons plus loin, l’employeur admet souvent une tolérance pour des pauses régulières et de courtes durées : pour fumer, boire un café ou autre. Aux employés de respecter les règles en vigueur dans l’entreprise et de ne pas en abuser.
La rémunération des pauses
Principe : pas de rémunération
L’objectif de la pause est de libérer le collaborateur de ses obligations envers l’employeur. Il ne s’agit donc pas d’un temps de travail effectif soumis à rémunération.
Pour rappel, le temps de travail effectif est le « temps pendant lequel le salarié est à disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » (art.L3121-1).
Néanmoins, la convention collective, un accord, voire même un usage peuvent prévoir des dispositions plus favorables. Quelques exemples :
- Obligation faite à une salariée d’adopter un comportement irréprochable et de garder sa tenue de travail pendant sa pause. Elle pouvait vaquer librement et n’était pas à disposition de l’employeur. Son temps de pause n’a donc pas à être rémunéré (Cass. soc. 3-6-2020 n° 18-18.836).
- Le fait d’interdire au salarié de quitter les locaux de l’entreprise pendant sa pause ne permet pas de considérer qu’il s’agit d’un temps de travail effectif (Cass. Soc. du 5 avril 2006, n°05-43061).
- Pause déjeuner d’un veilleur de nuit dans la maison de retraite ou il travaille. Il ne s’agit pas de temps de travail effectif dans la mesure où il n’est pas obligé de répondre aux résidents pendant sa pause (Cass. soc. 26-2-2002 n° 00-40.722).
Temps de travail effectif et paiement des pauses
Les pauses sont rémunérées dès lorsqu’elles correspondent à du temps de travail effectif :
- Le salarié est à la disposition de l’employeur,
- Et ne peux pas librement s’occuper de ses affaires personnelles.
Quelques exemples :
- Rester proche du téléphone pendant sa pause, pour pouvoir répondre éventuellement,
- Pauses pendant lesquelles les salariés doivent demeurer dans les locaux de l’entreprise et peuvent être appelés à tout moment pour effectuer des interventions immédiates et fréquentes de sécurité (Cass. soc. 20-2-2013 n° 11-26.40),
- Pause déjeuner d’un cuisinier qu’il est contraint de prendre sur place et sans aucune liberté (Cass. soc. 4-1-2000 n° 97-43.026).
L’enjeu pour l’entreprise consiste dès lors à comptabiliser précisément ce qui relève du temps de travail effectif, en accord avec la législation et la réglementation propre à sa convention ou à ses accords de branche. Et ce pour chacun de ses salariés et selon les spécificités de son poste.
Spécificités pour la pause déjeuner
Même dans les cas où elle n’est pas considérée comme du temps de travail effectif, la rémunération de la pause déjeuner peut être prévue par une convention collective, un accord ou le contrat de travail.
Mais attention, cette rémunération ne fait pas pour autant de la pause un temps de travail effectif (pas de prise en compte pour les heures supplémentaires, par exemple) !
En pratique, comment gérer efficacement les pauses de vos salariés ?
Une souplesse dans le management
Même si le code du travail prévoit une pause minimale, il est possible (et conseillé) pour l’entreprise de faire preuve d’une certaine souplesse.
Les petites pauses sont la plupart du temps tolérées si elles sont raisonnables en termes de fréquence et de durée : pause-café et pause cigarette notamment. Il s’agit ici d’un bon sens managérial : concilier les impératifs de l’entreprise avec les demandes des salariés et montrer votre confiance.
Inversement, veillez à ce que tous vos employés prennent effectivement leur pause obligatoire. Certains ont parfois du mal à arrêter le travail mais il est important d’insister. Particulièrement durant la période récente qui a vu exploser le recours au télétravail et le risque d’épuisement pour les collaborateurs peu attentifs à leur pause.
Un employé qui ne prend pas de pause est plus fatigué, moins concentré et davantage sujet aux accidents. Or, n’oubliez pas que l’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés.
Comment suivre et encadrer les pauses ?
Une certaine tolérance ne vous empêche pas de contrôler la réalité des pauses prises par vos collaborateurs. En cas de pauses trop fréquentes, ou trop longues… un rappel au règlement intérieur suffit généralement. Il est donc important de le tenir à jour sur ce point.
Dans les cas extrêmes de non-respect des règles ou d’abus, l’employeur pourra être amené à sanctionner les salariés. Dans ce cas, il faut mettre en œuvre une procédure disciplinaire, par laquelle le salarié risquera un avertissement, un blâme, une mise à pied, voire même un licenciement pour faute selon les circonstances. Là encore, il est important de prévoir ces sanctions dans votre règlement intérieur.
En cas de litige, on constate dans la pratique qu‘il revient à l’employeur de faire la preuve des pauses prises par ses salariés. Mettre en place un suivi concret des pauses est donc une mesure de prudence afin d’éviter à l’organisation d’être prise en défaut le cas échéant.
Les outils pour mieux gérer les pauses
Pour aider les managers à mieux gérer les temps de pauses, certaines entreprises utilisent une badgeuse et un logiciel de gestion des temps. Ce système permet, entre autres, de :
- Vérifier que les temps de pauses sont respectés (et pouvoir le prouver facilement en cas de litige),
- Avoir un calcul précis et fiable des pauses par salarié, par service, etc.,
- Responsabiliser les collaborateurs.
Son utilisation ne se limite bien sûr pas aux temps de pause, mais s’étend à l’ensemble de la journée de travail, aux calculs des temps de travail effectifs ainsi qu’à la rémunération associée.
En outre, en rendant objectif le suivi des temps de pause via le pointage, l’entreprise gagne en confort de management, diminution des conflits, et amélioration du climat social.
Avant la mise en place de ce type de système, il est recommandé d’informer les représentants du personnel et de communiquer clairement sur les règles et les modalités relatives au suivi des pauses, et ce afin d’éviter les mauvaises surprises pour les salariés.
Consultation des salariés, règles claires et communication efficace : la recette idéale pour une bonne gestion des pauses dans l’entreprise !